IA : en sommes-nous déjà dépendants ?

IA : en sommes-nous déjà dépendants ?

L’intelligence artificielle (IA) promet une transformation profonde de l’industrie médiatique et, plus globalement, de la manière dont nous produisons, consommons et valorisons l’information. Entre sidération et exploration de nouvelles frontières éditoriales, tour d’horizon de sept défis à relever pour réinventer le journalisme et les médias à l’ère de l’IA générative. Après les articles consacrés à la démystification de l’IA, à la formation, puis aux opportunités et aux assistants IA, à la recherche d’informations sur le web, intéresserons-nous à notre rapport avec ces nouveaux outils.

Auteur d’un article passionnant sur les enjeux et défis de l’intelligence artificielle, Nicolas Becquet, journaliste et directeur du pôle digital de L’Écho, un quotidien bruxellois. Il nous a autorisé à le publier sur le site internet de TOUTécrit. Nous l’en remercions. Cet article, dans sa version intégrale, a été mis en ligne sur le site de l’Observatoire européen du journalisme (EJO).

Alors que la dépendance aux réseaux sociaux et que la bataille pour la visibilité des contenus journalistiques dans les moteurs de recherche constituent encore des enjeux majeurs, les médias entament un nouveau bras de fer avec les géants de l’IA concernant l’exploitation de leurs contenus.

Deux types d’approches

La première consiste à bloquer l’accès aux archives et à réclamer une rémunération pour l’exploitation des contenus. C’est la position défendue par la majorité des éditeurs, à l’image du New York Times qui a, par ailleurs, intenté un procès au créateur de ChatGPT. Le journal américain accuse OpenAI de violation du droit d’auteur et d’exploitation illégale de ses contenus pour nourrir son intelligence artificielle.

La seconde consiste à conclure des partenariats avec les fournisseurs de solutions d’intelligence artificielle, au premier rang desquels OpenAI et ChatGPT. C’est le cas du quotidien Le Monde, qui le premier média français à conclure un tel accord, d’Associated Press et du groupe Axel Springer qui ont tous négocié avec OpenAI des contreparties, comme la possibilité de diffuser des contenus dans les résultats fournis par ChatGPT, l’accès exclusif à des outils IA pour les rédactions et la collaboration directe avec les équipes techniques.

Quels risques pour les médias et les agences de presse ?

Quant à Google, ses équipes travaillent sur le projet Genesis qui vise « à fournir éventuellement des outils activés par l’IA pour aider les journalistes dans leur travail ». Microsoft a choisi le site Semafor pour développer des outils de recherche à destination des rédacteurs, mais aussi pour la création de formats de synthèse à destination des lecteurs.

En choisissant d’opter pour tel ou tel outil d’IA, les médias s’exposent à des risques nombreux et variés : dépendance, sécurité et confidentialité du traitement des données, flou sur la légalité des méthodes et des sources d’entrainement, manque de transparence sur leur fonctionnement, variation des coûts, etc. Il est donc crucial de s’assurer que les solutions techniques développées soient suffisamment flexibles pour permettre de changer aisément de modèles de langage de référence, en cas de besoin.

Il est également nécessaire de garder à l’esprit que l’intelligence artificielle et les modèles de langage sont des boîtes noires, techniques et juridiques, au cœur d’une grande bataille pour la souveraineté technologique à l’échelle mondiale. La capacité des éditeurs à labelliser leur contenu, afin de tracer son utilisation et son exploitation par les modèles de langage, constitue une étape incontournable pour permettre à l’industrie des médias de faire valoir ses droits. Un enjeu qui nécessitera une coopération étroite entre tous les acteurs du secteur.

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Nicolas Becquet est journaliste et manager du Pôle digital de L’Écho, quotidien business basé à Bruxelles. Il est également Maître de conférences invité à l’École de journalisme de l’UC Louvain (EJL), formateur en journalisme mobile (Mojo) et en innovation éditoriale.