Print & numérique : complémentaires ou incompatibles ?

Print & numérique : complémentaires ou incompatibles ?

A l’instar de la radio et de la télévision, il semblerait que le couple print/numérique constitue une sorte de symbiose, formant un terreau fertile à la création de formats et de contenus innovants.   

“Médias, communication, édition : comment concilier print et numérique ?” Si nombre d’experts se sont déjà largement épanchés autour de ce “marronnier”, la conférence inaugurale de Graphitec 2019, mardi 4 juin, nous a démontré, exemples à l’appui, que l’un (le digital) ne nuit nullement à l’autre (l’imprimé) et que les meilleures stratégies consistent à mixer les canaux plutôt que de les opposer. « Le print a un avantage majeur, c’est l’incarnation, relevait Corinne Jolly, PDG du groupe PAP, qui envisage d’ailleurs de relancer un magazine d’ici quelques mois. Chaque canal a ses spécificités qui répondent à des usages particuliers ».

Chez l’éditeur Gallimard Jeunesse, on a vu arriver la dématérialisation avec une inquiétude qui ne semble plus d’actualité aujourd’hui. « L’e-book représente 3 % du marché du livre en France, tandis qu’aux États-Unis, même s’il a atteint 25 %, il est train de baisser », rappelait Hedwige Pasquet, PDG de Gallimard Jeunesse. L’e-book n’a d’intérêt que s’il propose des contenus enrichis. Nous envisageons plutôt le numérique comme un levier de croissance, avec de nouveaux formats, tel le livre audio par exemple en lequel nous croyons beaucoup et qui s’inscrit dans la tendance du podcast. Des offres émergent. L’audiovisuel aussi a ouvert de nouveaux horizons aux éditeurs. J’en veux pour preuve l’achat des droits du Seigneur des Anneaux par Amazon. Nous communiquons de plus en plus sur les réseaux sociaux, car c’est là que sont nos lecteurs. Et nous avons lancé un blog qui nous permet de créer et de diffuser des contenus ; et ce contenu spécifique nous conduit à utiliser le web comme un canal, qui a ses usages, et non comme une fin en soi ».

Même analyse du côté de Mathieu Butel, directeur des contenus du groupe Makhéia, qui note une saturation du digital et un regain d’intérêt de l’imprimé. « Ce que nous achètent nos clients, ce sont des dispositifs qui favorisent la portée de leurs messages, via différents canaux. Le slow content est une vraie tendance. Les clients que nous accompagnons ont besoin de marquer les esprits. C’est pourquoi le livre d’entreprise est un format qui fonctionne bien ». Estimant que la possibilité de mixer les canaux est un atout, l’expert croit en l’efficacité des contenus protéiformes. « Développer un même contenu sur des canaux différents est inefficace. L’enjeu consiste à créer des formats innovants qui touchent l’audience. Pour cela, le digital et l’imprimé se complètent et se nourrissent l’un l’autre. Il faut vraiment que les marques soient pertinentes dans leur approche en se demandant comment est-ce qu’elles vont mixer les canaux pour être efficaces et comment est-ce qu’elles vont mesurer cette efficacité. Ce rééquilibrage dans l’utilisation des canaux permet de toucher des publics de façon beaucoup plus fine ».

Certes, les volumes imprimés sont en recul et le secteur de l’imprimerie est durement touché par la vague du numérique. Pour autant, nous sommes de ceux qui pensent que l’innovation technologique et éditoriale permet de développer de nouveaux papiers et de nouveaux produits très qualitatifs, à l’instar des mooks et des publications événementielles. Dans le secteur de la presse, les éditeurs cherchent encore leur modèle économique pour monétiser leurs audiences « digitales », mais ils continuent d’inventer, le plus souvent avec succès, des solutions qui redonnent de la valeur à leurs titres et à leurs marques. Le ciment de toutes ces initiatives – que ce soit dans le secteur de la presse, de la communication ou de l’édition – reste la puissance d’un contenu irréprochable et de très grande qualité produit par des auteurs, des rédacteurs et des journalistes, et non pas par des algorithmes et des robots biberonnés à l’intelligence artificielle.