Ces innovations médias qui arrivent des États-Unis…

Ces innovations médias qui arrivent des États-Unis…

Outre-Atlantique, de nombreuses start-up bousculent les médias “installés” et développent des projets innovants en imaginant de nouvelles façons de produire et de consommer des contenus. La journaliste Marie-Catherine Beuth a dévoilé quelques-uns des secrets de ces “conquistadors de l’info”, lors d’une conférence captivante.  « Aux États-Unis, les start-up qui développent des innovations médias s’inscrivent d’abord dans une démarche tournée vers l’expérience utilisateur, avant de penser au modèle économique ». Si le propos de la journaliste Marie-Catherine Beuth peut prêter à sourire, dans un secteur d’activité où chaque éditeur de presse français recherche la martingale pour mieux monétiser ses contenus, ils témoignent de l’état d’esprit qui anime les entrepreneurs américains qui se lancent dans l’aventure des médias numériques. « Du mobile first vers le mobile only » Installée sur la côte Ouest et spécialisée dans le domaine des nouvelles technologies, qu’elle couvre Le Figaro, Marie-Christine Beuth a rapporté, deux heures durant, ses 10 coups de cœur illustrant l’innovation dans les médias aux États-Unis, au cours d’une conférence captivante donnée dans le cadre du salon “La Presse au Futur”, fin novembre à Paris. Par-delà la part de subjectivité qui accompagne un tel inventaire, le regard de la journaliste-bloggeuse est intéressant à bien des égards, car il permet de comprendre l’enjeu énorme que représente le mobile, Outre-Atlantique. « Tous les médias US sont dans cette réflexion, indique Marie-Catherine Beuth. Ils passent peu à peu d’une stratégie de mobile first à celle de mobile only ». Si cela est vrai pour la presse traditionnelle, cela l’est encore plus pour les nouveaux venus sur ce marché de l’information. « Offrir une autre façon de consommer de l’information » Qu’il s’agisse de Circa (découpage d’articles en “atomes” pour suivre un sujet en particulier, « ce qui règle le problème de réception des push jugés trop intrusifs par les lecteurs »), de Vox (journalisme d’explication, recourant notamment aux techniques de datavisualisation), de Beacom (financement, par les lecteurs, d’un journaliste spécialisé pour qu’il puisse réaliser ses reportages) ou de Syria Deeply (production de contenus monothématiques sur le conflit syrien, et sur d’autres sujets comme Ebola avec Ebola Deeply), toutes ces expérimentations ont en commun de vouloir offrir une « autre façon de consommer de l’information, en s’affranchissant des schémas classiques ». Des sources de financements variées Et le modèle économique, dans tout ça ? S’il ne constitue pas, à court terme, la principale préoccupation de ces nouveaux entrants, aux dires de Marie-Catherine Beuth, le financement et le chiffre d’affaires occupent quand même l’esprit des concepteurs de ces projets. Par exemple, Hard Cover, un magazine papier qui cible les “nouveaux M. tout-le-monde”, c’est-à-dire les représentants des communautés minoritaires, s’est financé par le crowdfunding. « Le titre joue sur l’identité de ces communautés et sur les réseaux sociaux qui leur permettent de développer leur audience et leur notoriété grâce au phénomène de viralité », précise la journaliste. D’autres, comme Texas Tribune, qui « remplit un vide journalistique en couvrant une actualité hyper locale délaissée par des médias traditionnels en déclin », privilégient l’événementiel ou la création de clubs de membres qui donnent droit à des services additionnels, tandis que les derniers ont fait du capital-risque ou du native advertising (publi-rédactionnel) des leviers de financement ou de rentabilité. Les systèmes de micro-paiement, à l’instar du nouveau service de Google, ou encore les paywalls, constituent également des pistes de réflexion en la matière. Positionnement ultra-ciblé Ces nouveaux acteurs se distinguent aussi par un positionnement ultra-ciblé. C’est le cas d’Ozy qui s’intéresse à un « lectorat jeune qui ne se retrouve pas dans les médias traditionnels », indique Marie-Catherine Beuth. Pour cela, la start-up se différencie par un design épuré et très travaillé, des newsletters personnalisées à l’extrême et la production de vidéos. Proche d’Ozy, Mic s’adresse aux moins de 30 ans et joue sur une approche communautaire, en offrant davantage de contenus éditoriaux écrits. Quel que soit le média, l’innovation est partout. Hard Cover, par exemple, s’est lancé sur le print sans se demander, comme ici, si le papier vivait ses dernières heures ou pas. Confronté à un problème de notoriété en raison d’une diffusion ne lui permettant pas d’être connu du plus grand nombre, le California Sunday a résolu l’équation en nouant des partenariats pour devenir le supplément des quotidiens locaux du dimanche. L’innovation, toujours… Il en est encore question avec la réalité virtuelle qui permet d’être soi-même acteur d’un événement pour mieux en comprendre la portée, l’ampleur ou l’impact. Esprit start-up Mais ce qui « obsède » avant tout ces nouveaux conquistadors des médias, c’est le feedback, l’écoute des utilisateurs afin de leur offrir une expérience toujours plus exceptionnelle. « Tous s’inscrivent dans une approche de plateforme technologique, dans un pur esprit start-up, pour faire émerger un produit média résolument innovant », constate Marie-Catherine Beuth, elle-même créatrice d’une application qu’elle a pu développer grâce à l’obtention d’une bourse. « Nous avons réalisé de nombreux tests pour construire cette appli centrée sur l’utilisateur et sur le temps que chacun peut consacrer à la consommation de l’information. Nous sommes même allés dans des Starbuck Café à six heures du matin pour étudier le comportement des gens qui lisent sur mobile et leur demander comment ils vivaient cette expérience. L’idée première qui nous anime est d’expérimenter et de créer. Nous verrons ensuite si ça prend et la façon dont on pourra éventuellement en vivre ».  À l’Américaine !